Prenez un moment pour apprécier la présence menaçante du pénitencier de Kingston. Situé en périphérie du centre-ville, au cœur de certains des plus beaux quartiers de Kingston et avec une vue sur le lac, la grande prison de style « Auburn » existe depuis près de 190 ans et elle a abrité un bon nombre des prisonniers les plus notoires du pays.
Sans aucun doute, les prisons sont un élément important de Kingston — six autres pénitenciers sont présentement en service. Pour les esprits créatifs, la juxtaposition d’une ville historique apparemment vierge et d’un bas-fond sombre et mystérieux crée une belle dynamique, à la fois pour les opportunités fictives et non fictives qu’elle inspire. Dans le domaine de la production cinématographique et de la réalisation de films, les exemples d’œuvres artistiques qui se prévalent de la mystique, de la présence intimidante et des imposantes installations du pénitencier ne manquent pas.
À la suite de la mise hors service du pénitencier en 2013 (les détenus ayant été transférés dans d’autres prisons de la région), sa réouverture en 2016 a ouvert la porte à de nouvelles possibilités culturelles; des repéreurs, des directeurs de production et des réalisateurs ont afflué vers la ville pour explorer et imaginer ce qu’ils pourraient créer avec le pénitencier de Kingston en toile de fond.
« Dès que j’ai vu que c’était une possibilité — il y a d’autres prisons désaffectées partout en Amérique, mais celle-ci est unique — j’ai pu convaincre Taylor Sheridan et Paramount de tourner au pénitencier de Kingston… pendant une pandémie », a déclaré Hugh Dillon à Peter Hendra du quotidien The Whig en 2021. « Ils ont adoré la ville, l’architecture et la géographie. Son histoire est tellement cinématique. Elle m’a touché avant même que le projet se soit concrétisé. »
Dillon — un habitant de Kingston qui s’est d’abord fait connaître en tant que chanteur des the Headstones — parlait du film Mayor of Kingstown, un drame cru sur l’incarcération, un projet qu’il avait en tête depuis plusieurs décennies avant qu’il ne se concrétise et finalement diffusé en 2021. La série met en vedette Jeremy Renner, Dianne Wiest et Dillon.
Alias Grace, une série de la CBC basée sur le roman de Margaret Atwood, raconte l’histoire vécue de Grace Marks, une servante irlandaise qui a été incarcérée au pénitencier de Kingston dans les années 1840 pour les meurtres de son employeur et de sa gouvernante. Les scènes de la prison ont été tournées au pénitencier de Kingston et le Penitentiary Museum de l’autre côté de la rue a servi à titre de maison du directeur de la prison, ce qui était sa fonction initiale après sa construction dans les années 1870. La série a été écrite par Sarah Polley et réalisée par Mary Harron.
Les membres de l’équipe d’Improbable Escapes, une entreprise de jeux d’évasion à Kingston, sont des experts dans la création de mondes immersifs. Leur expertise a donc été finalement étendue au domaine du cinéma. Au cours des deux dernières années, l’équipe créative maintenant connue sous le nom de Visual Menace a travaillé sur deux longs métrages à Kingston — Angel Three et Den Mother Crimson. Melissa Eapen-Bell, qui a lancé Improbable Escapes en 2015 avec Emma Rochon, explique que Visual Menace offre maintenant un service artistique complet aux productions tournées localement.
Pour le film d’espionnage à suspense Angel Three (présenté en 2022), Visual Menace a créé un décor d’une pièce — un bureau de transport à Berlin-Est en 1987 — dans le pénitencier de Kingston. Une cellule du pénitencier a également été utilisée pour les scènes de prison du film. « Nous avons dû être prudents pour ne pas détruire aucun des éléments historiques de la cellule. Ce fut une expérience vraiment intéressante pour nous. Devon, une membre de notre équipe, a fait un travail incroyable, réussissant à souiller ce plateau, mais sans rien endommager », déclare Eapen-Bell.
Pour cela, elle a recouvert les murs d’une pellicule de plastique et elle a appliqué un composé pour cloison sèche sur la pellicule pour créer un nouveau revêtement qui pouvait être retiré facilement une fois le tournage terminé. Visual Menace a également travaillé en étroite collaboration avec le Service correctionnel du Canada et s’est associé à l’atelier de menuiserie de Collins Bay Institution (dans le cadre d’un projet pilote) pour créer les parois des murs de l’ensemble de bureaux. « Les détenus et les personnes en liberté conditionnelle ou probation travaillant dans l’atelier ont fabriqué les murs. C’étaient des gens formidables et vraiment intéressés par notre film. Ils connaissaient bien le bâtiment dans lequel nous travaillions, ce qui était très utile. »
Pour Den Mother Crimson, un film entièrement produit à Kingston et sorti en 2023, Visual Menace a travaillé sur un immense plateau de James Media situé dans le secteur ouest de Kingston. James Media a transformé le plateau en un vaste monde de science-fiction comprenant des tunnels et une porte bifurquante. Visual Menace a également participé au Slaight Music Video Showcase qui a été présenté en première au Kingston Canadian Film Festival en 2023, en travaillant sur un clip vidéo avec Outpost 12 pour le groupe Kasador.
De nombreuses histoires, dont certaines deviendront des films, se sont également déroulées entre les murs de la prison. Le voleur de banque en série Roger Caron a été incarcéré dans plusieurs prisons canadiennes, notamment le pénitencier de Kingston, Millhaven et Collins Bay. Il a appris à écrire tout en purgeant sa peine. Ses mémoires, Go-Boy!, dévoilent la vie en prison et son évasion de Collins Bay (Go-Boy! est le cri que les prisonniers lançaient quand un autre prisonnier s’enfuyait). Le cinéaste Rob Lindsay a adapté Go-Boy! en film documentaire.