Perles cachées mais pas pour longtemps, des artistes émergents parlent de leurs spectacles live et de l’esprit de communauté qui existe à Kingston.
La scène musicale de Kingston est en quelque sorte une avant-première des prochains galas des Junos. Année après année, elle trace la trajectoire de la scène musicale canadienne.
La Ville du calcaire n’est pas connue seulement pour ses prisons et son université. C’est ici que Bryan Adams est né et c’est ici que Gord Downie a gratté sa première guitare. N’importe quel soir, on trouve assez de concerts de la relève dans un rayon de quelques rues pour justifier une tournée des bars.
The Wilderness
Dans cette mouvance, le groupe The Wilderness, qui s’est constitué il y a trois ans à l’entrée d’un café où venait d’avoir lieu une soirée micro ouvert. Les gars du groupe ont ensuite passé quelques années à sauter de bar en bar à Kingston avant de monter dans une camionnette pour sillonner toute l’Amérique du Nord.
Au dernier spectacle, Jonas Lewis-Anthony, voix soliste du groupe, chantait 81 South quand les gens ont délaissé leurs bières pour chanter avec lui. La chose l’a tellement touché qu’il en a perdu ses moyens.
« J’ai dû arrêter de jouer », malgré leur enthousiasme. Et j’ai dit : « Continuez sans moi. C’est le meilleur moment de ma vie! »
Le premier album du groupe finit par 81 South. Lewis-Anthony l’a composée à Atlanta dans un moment de la tournée où il se sentait au plus bas. Toutes les chansons de Saxton’s River se dansent – des hymnes dont la charge est assez forte pour servir même de trame sonore à une rupture ou à un roadtrip existentiel…
Ce groupe concentre toute sa fougue dans son spectacle live qui devient parfois marathon de trois heures dans des bars bondés. Il joue à égaler l’énergie du public quand par exemple le claviériste Liam Neale improvise des solos de percussion sur n’importe quelle surface : tabourets de bar, tonneaux vides, jusqu’à la poitrine de Lewis-Anthony.
Des moments comme ceux-là sont le signe qu’un jeune band est mûr pour monter le prochain échelon.
« On est peut-être de gros poissons dans un petit étang, dit Lewis-Anthony, mais quand on voit des groupes de Kingston qui font quelque chose de bien et arrivent à se développer, ça donne l’idée qu’on pourrait aussi y arriver. »
Kasador
La même réflexion vaut pour les grands spectacles du groupe local The Glorious Sons au K-Rock Centre. Pour la première fois, ce lauréat d’un prix Juno prenait la tête d’affiche à l’aréna de son patelin.
En première partie de spectacle, Kasador était à la hauteur. Les chansons de ce groupe formé à la Queen’s University racontent des histoires dans lesquelles on reconnaît quelque chose de soi. Et avec leur talent mélodique… les gars sont du genre à faire un tabac à la radio.
Leur single Skeleton Park, par exemple, tire son nom d’un parc local, mais c’est surtout un ver d’oreille dont on s’imprègne à la première écoute. Et on chante sans pouvoir y résister, que ce soit en buvant une bière au bar ou en surfant sur la foule au K-Rock Centre.
Quelque chose dans cette ville nourrit une créativité plus profonde, qui s’étoufferait dans une grande ville, nous dit le guitariste Cam Wyatt. «Il y a quelque chose de libérateur dans une ville plus modeste.»
D’après lui, c’est au moins en partie parce que les rues sont tranquilles, il n’y a pas de trafic, pas de congestion. Sans trop de stress, on peut s’absorber dans la création! Le jour de leur prestation au K-Rock, Cam s’y est rendu à pied… à partir de chez lui. Tous les lieux de spectacle sont facilement accessibles. La proximité d’une scène musicale aussi concentrée aide beaucoup les musiciens qui débutent.
Si les artistes bénéficient des influences musicales des grandes villes voisines, ils peuvent surtout se développer et fleurir à Kingston dans le giron d’une communauté tricotée serré, selon Wyatt.
Tout ça finit par se résumer en quelques mots, dit-il. « Je peux y aller à pied. »
Kris and Dee
Le duo folk Kris and Dee est de ceux qui rendent notre scène musicale unique. Artistes bien établis, Kris Abbott et Dee McNeil chantent des chansons évocatrices qui touchent à l’intime.
Elles enregistrent leur musique au studio Bathouse, comme l’a fait The Tragically Hip. Et c’est en silence que le public écoutera plus tard leurs harmonies finement construites.
« Notre musique est si personnelle qu’elle demande un certain type d’auditoire et un certain type de lieu », dit Dee McNeil.
C’est dans des espaces plus tranquilles, plus intimistes, qu’elles se sentent dans leur élément, plutôt que devant des foules exubérantes. Leur musique est parfois sombre, mais prend racine dans leur environnement, se nourrit d’un sentiment de communauté partout présent.
À propos de leur musique, Kris Abbott ajoute : « Il y a un espoir sous-jacent… non seulement de l’espoir, mais aussi quelque chose d’un peu transgressif pour bousculer l’ordre établi, quelque chose qui fouette les esprits.
Ne pourrait-on pas dire la même chose de tous les musiciens montants de Kingston?