Au bout du labyrinthe : Martello Alley

par Isabelle Bourgeault-Tassé

Pour se retrouver au cœur de Kingston, il faut parfois s’y perdre.

Cette ville labyrinthe, lieu d’intrigue, de curiosités, et d’étonnement, abrite des petits racoins intimes, révélant ses secrets à l’aventurier en toute quiétude. C’est le cas de Martello Alley, petite galerie lumineuse, colorée, ainsi qu’une une coopérative d’artistes kingstoniens au 203B rue Wellington.

«  Un virage ici, un mur de pierre là. Des petits balcons gracieux, des cours secrètes. Une sculpture tranquillement suspendue au-dessus de votre tête. Une œuvre d’art exposée sur les murs d’une ruelle. Ce sont tous des joyaux qui sont uniques à Kingston !  » raconte David Dossett, artiste et propriétaire de Martello Alley.

«  Cette ville, c’est une aventure avec une fin merveilleusement artistique,  » poursuit-il.

Le concept de Martello Alley est inspiré par la rue du Trésor du vieux Québec, ainsi que ces jolies ruelles françaises où les artistes exposent et vendent leurs œuvres. On y arrive sous un ancien arche et passage pour chevaux, atteignant enfin une petite et charmante ruelle aux murs ensoleillés d’art. Mais le charme de ce havre d’inspiration n’a pas toujours été évident.

«  C’était autrefois un coin négligé. Je m’interrogeais : pourquoi quelqu’un ne fait rien de ces ruelles ? Enfin, j’en ai eu marre de m’entendre dire ça,  » explique David. «  J’ai pris ce petit coin ignoré de Kingston pour en faire quelque chose de sublime.  »

Collectivité d’artistes locaux offrant des œuvres éclectiques qui ne manqueront pas d’illuminer les amateurs d’art, Martello Alley offre des œuvres originales ainsi que gravures et reproductions, s’agissant d’une expérience artistique conçue pour tout budget, tout style, et taille d’espace.

«  Ce qui est surtout sympa de notre galerie, c’est qu’il s’agit exclusivement de l’art des gens de chez nous,  » souligne David. «  Je suis toujours émerveillé et inspiré par la créativité des gens d’ici.  »

Après l’impact de la pandémie actuelle sur les ventes et les visites chez Martello Alley, David s’est résolu de mettre l’accent sur l’expérience numérique de la galerie, notamment par le biais d’une tournée digitale et en permettant les ventes en ligne.

«  La tournée virtuelle de Martello Alley a été un grand succès,  » explique David. «  Il faut changer la façon de livrer l’expérience de notre galerie et de faire vivre l’art à notre communauté par tous les moyens possibles.  »

Il vaut cependant bien la peine de partir à l’aventure dans les lieux de Martello Alley. Les ruelles et la galerie sont un véritable petit refuge de trésors, invitant l’aventurier à fouiller, rêver, et à s’évader dans le génie des artistes et artisans locaux. Sur une table, un ornement faisant figure d’un médecin de la peste au long bec et aux lunettes épaisses («  Les gens adorent !  » exclame David). Dans un tiroir regorgeant de petits joyaux, un livre à colorier pour enfants qui met en relief les plus beaux monuments et paysages de Kingston. Et sur le mur de pierre de calcaire, un tableau de Wendy, épouse de David, peinte dans un style qui évoque celui du grand Jean-Paul Lemieux, un immortel de la peinture québécoise.

«  Un jour, il m’est venu à l’esprit de faire un portrait de Wendy,  » raconte David. «  Elle vient d’une petite ferme en Pennsylvanie et je voulais la peindre comme ça, sur une ferme, mais en rendant aussi hommage au Québec, là où on s’est d’abord connu.  »

David et Wendy se sont d’abord croisés à l’Université Laval, explique-t-il, où ils étaient tous deux de jeunes étudiants amoureux du Québec, de son français, son art, et son esprit. Ce parcours au Québec lui a été inspiré par son père, un Britannique, pilote de Spitfire pendant la Deuxième Guerre mondiale, et qui a appris le français par amour de la belle province.

« Il adorait le Québec. Et moi aussi ! »

Le français était une véritable histoire d’amour familiale – la mère de David était déterminée à ce que son fils apprenne la langue.

«  D’abord, c’était vingt minutes par jour ! Mais c’était insuffisant pour apprendre les nuances de la langue. J’ai donc eu la chance de faire un échange à Baie Comeau,  » se souvient David. «  J’ai adoré apprendre à parler en français parmi les Québécois.  »

Malgré qu’il soit tenu occupé par sa galerie, David ne se contente pas exclusivement de faire connaître l’art aux rêveurs qui fréquentent le labyrinthe de Martello Alley. David est fondateur de Froid’Art, une exposition d’œuvres d’art exhibées aux grands vents de l’hiver kingstonien. David s’affaire donc à démocratiser l’art, permettant à tous de s’inspirer de la poésie et de la beauté des espaces publics de la ville.

L’inspiration de Froid’Art est survenue lorsque David a constaté que les paysages de Kingston au creux de l’hiver étaient souvent gris, ternes et tristes, et ce, surtout après que s’éteignent les lumières de Noël illuminant la ville. Dans l’hivers qu’est ce pays, il s’est imaginé des œuvres exposés à la belle étoile, givrées de glace, illuminées de jets de lumière, et ornées de neige et de froid.

«  Froid’Art est devenue une tradition hivernale de Kingston,  » remarque David avec fierté.

Enfin, David a un regard tourné vers l’avenir et prépare Martello on Brock, une seconde galerie au 66 rue Brock qui met également en vedette les artistes et artisans locaux dans une ambiance rétro-Ontarienne.

«  Ici, à Martello Alley, l’ambiance est d’un Montréal rétro. C’est l’ancien Bas Canada. Chez Martello on Brock, c’est plutôt typique du Upper Canada, de l’Ontario rétro.  »

Mais qu’il soit ambassadeur de Martello Alley, Froid’Art, ou Martello on Brock, la philosophie artistique de David est immuable.

«  L’art est partout à Kingston. Il incarne l’âme de la ville et de la communauté. Il renouvelle les gens et les lieux. Il est transformateur, merveilleux, inspirant.  »

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Photos par Bernard Clark